L’arrivée à l’île aux Moines est comme un rite de passage.

La voiture, que l’on gare au parking de Port Blanc – un grand parking de 900 places qui se remplit lors des grands week-ends de mai et qui déborde littéralement pour les régates du 15 août – ; les bagages que l’on décharge –pour moi, ce sont les diables pliants qui me permettent d’acheminer le linge nécessaire à chaque locataire-, les deux cents mètres jusqu’à l’embarcadère et l’attente du prochain bateau. Parfois j’ai le temps de retirer un peu de liquide au guichet, ou d’acheter une douzaine de crêpes fraîches à la boutique du port –j’ai ainsi forgé mes petites habitudes au fil du temps.

Entrer sur le bateau avec son chargement ; s’asseoir au plus près de la sortie pour descendre plus vite, à l’intérieur à l’aller, à l’extérieur au retour. Plus curieusement, prendre mes pieds en photo avec mon portable. Cela m’est venu au fil des courtes traversées : ainsi défilent les mois et les années, avec la couleur et la forme de mes chaussures sur le plancher du bateau. On aperçoit le quai, ou le courant du golfe, selon l’instant ou l’envie de déclencher me prend.

Quelques petites minutes sont nécessaires pour accoster sur l’île : pas le temps de rêver, de se laisser aller au plaisir de la navigation que déjà, il faut reprendre ses sacs, déployer les roulettes des valises, prendre pied sur le quai. Et en route pour la maison. Dix minutes de marche, parfois le taxi, lorsque le temps presse.

En marchant le long du quai, je vois si P’tit Louis a ouvert sa boutique de locations de vélos. S’il est là et qu’il n’est pas occupé avec des clients, l’échange se fait. Parfois un petit salut, si je suis vraiment pressée.  Mais de plus en plus, je prends mon temps. Je n’ai plus envie de courir. « Bonjour, ça va ? ». « Super, ça peut pas aller mieux ! » répond-il invariablement. Voilà, je suis sur l’île.